Cens (droit seigneurial)
Le cens et la censive sont deux termes liés à la structure économique de systèmes politiques féodaux :
- le cens est une redevance (« payer le cens ») ;
- la censive peut être soit le fonds (« détenir une censive, une tenure »), soit la redevance (« payer la censive »), synonyme de cens applicable à la terre, soit la façon de posséder le fonds (fonds tenu en censive et non en fief ou en franc-alleu).
Le cens, au sens large, comprend le chef cens ou chevage du par les serfs (mainmortables).
Le cens ne doit absolument pas être confondu avec fermage et métayage qui ne sont plus des contrats de droit féodal.
Cens et censive : la redevance
[modifier | modifier le code]À l'Époque féodale et sous l'Ancien Régime le cens est la redevance annuelle, foncière et perpétuelle qui est due par celui qui possède la propriété utile d'un fonds, appelé censive, à celui qui en possède la propriété éminente, appelée seigneurie. Payant le cens, le censitaire est en général roturier, mais il peut aussi être noble ou ecclésiastique. La censive peut consister en une terre, une parcelle bâtie dans une ville, un moulin ou un bac sur une rivière, un péage sur un chemin, des têtes de bétail avec un droit de pâturage, mais aussi un domaine important comme un prieuré.
En donnant le cens, le censitaire reconnaît symboliquement être assujetti à celui dont il tient son fonds. En recevant le cens, le seigneur direct confirme son obligation d'assurer au censitaire une possession juste et paisible. La convention entre le censitaire et le seigneur fait l'objet, à chaque mutation, d'une « reconnaissance » ou d'une « investiture » ou « investition » (lat. investitio, dérivé de investio) lorsque c'est une censive roturière, mais aussi parfois un hommage quand c'est un domaine noble.
On distingue les censives serviles, qui ne peuvent être vendues ou léguées, des censives libres qui peuvent être vendues. Les premières sont supposées[précision nécessaire] avoir pour origine une propriété allodiale qui s'est recommandée à la protection d'un seigneur, les secondes sont supposées[précision nécessaire] avoir été une terre concédée par un seigneur à un homme dépendant ou serf. La censive servile donne lieu à une redevance modeste, le chevage, mais à des corvées bien plus importantes[1].
Les censives peuvent être louées, soit par le seigneur et elles sont converties en rente, soit par le censitaire en suivant les coutumes du lieu ou de la ville.
Les censives sont purement foncières : même dans les villes, la concession ne porte que sur le foncier nu, les bâtiments et aménagements étant apportés par le censitaire.
La valeur du cens est immuable, elle n'est pas négociable entre les propriétaires utiles et éminents : son montant, en général stipulé en nature, est supposé avoir été fixé de façon immémoriale entre les prédécesseurs du premier censitaire et du premier seigneur. Lorsqu'elle est convertie en argent, le censitaire roturier a toujours la possibilité de la payer en nature.
Le cens doit être considéré comme une redevance plutôt qu'un loyer : il correspond à la prestation de justice et de sécurité que la seigneurie (ou la ville souveraine) doit assurer à ses habitants. C'est donc le revenu et le lien féodal par excellence. D'autres redevances comme les corvées servent à la mise en culture et à l'entretien de la réserve seigneuriale ou des chemins.La réserve est la partie du domaine exploitée par le seigneur et n'est donc pas concédée à cens. La taille était une taxe prélevée exceptionnellement par le seigneur ; elle devient un impôt régulier dû au roi ou au duc.
Censive : la terre censale
[modifier | modifier le code]La censive, ou terre censale, est un fonds qu'un seigneur de fief a concédé contre le paiement perpétuel d'un cens. Il en a cédé la propriété utile (dominium utile), qui pourra passer aux héritiers qui, à leur tour, et solidairement, devront continuer à payer le cens. Le censitaire, celui qui tient le fonds à cens (la tenure), est responsable de cette terre et propriétaire de sa production. Le seigneur censier, celui qui a droit de lever les cens, conserve la directicité, la propriété éminente (dominium directum).
Le chevage n'est pas, en principe, transmissible. S'il est transmis, le serf doit payer la main-morte (Mainmorte#Mainmorte et servage).
Censier
[modifier | modifier le code]En principe, censier signifie indifféremment « celui qui reçoit ou qui paye le cens ». On peut ainsi parler de seigneur ou de fermier censier. Dans certaines langues d'oïl censier signifie fermier. C'est notamment le cas en picard (cinsier[2]) ou en wallon (cinsî[3]). Pourtant, l'usage historiographique moderne distingue normalement le censier, celui qui reçoit, du censitaire, celui qui paye.
Surcens
[modifier | modifier le code]Les surcens sont les tentatives seigneurales d'accroître le cens, généralement faible et symbolique. Ils sont peu appréciés et peuvent être la cause de révoltes.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- La formation des campagnes françaises: des origines au XIVe siècle, Éd. du Seuil, coll. « Histoire de la France rurale / sous la dir. de Georges Duby », (ISBN 978-2-02-004267-3)
- Cinse signifie « ferme » en picard.
- Cinse signifie également « ferme » en wallon.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Dictionnaire de droit et de pratique, M.***, 1769
- Robert Fossier, Polyptyques et censiers, Turnhout 1978 (typologie des sources du Moyen Âge occidental 28).
- Valentine Weiss, « Genèse des plans de censive parisiens de l'Ancien Régime et liens avec les documents de gestion domaniale médiévaux », Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Île-de-France. 2007-2008, t. 134-135, , p. 71-93 (lire en ligne)
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
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- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :